Les médecins ont dit à mon ami qu’il allait mourir s’il continuait à boire et pourtant rien ne change… je ne sais plus quoi faire.

La réponse de Micheline Claudon

L’envie de prendre soin de votre ami est très louable. Cependant, vous constatez que le discours médical qui évoque le risque de mourir ne suffit pas à interrompre sa consommation. Comment comprendre ce refus, alors qu’a bien des égards, votre ami peut exprimer son envie de vivre ?
La tentation serait d’assimiler cette conduite à un désir suicidaire. Or, loin de souhaiter mourir, les personnes dépendantes de l’alcool souhaitent en réalité une vie plus "pétillante", plus dense, plus pleine.

Le mécanisme du déni s’est visiblement mis en place chez votre ami. Il lui permet de contourner sa souffrance, de croire qu’il va pouvoir s’arrêter et qu’un sursaut va l’aider à interrompre cette consommation, qu’il sait être mortifère. Cet aspect clinique (poursuite de la consommation malgré des dommages avérés) constitue un des critères du trouble de l’usage de l’alcool. Dans ce cas, la question de la volonté est mise totalement hors de propos.

Vous pouvez aider votre ami en exprimant votre inquiétude pour ce que vous constatez : les conséquences délétères de la consommation, le fait qu’il soit dépassé, comme pris au piège. En tant qu’ami, vous connaissez nécessairement une partie de sa vie, vous pourrez donc associer sa consommation d’alcool à certaines souffrances qu’il aura vécues. Peut-être pourrez-vous-même lui témoigner de votre compréhension ; il aura eu besoin d’une « aide » pour supporter certains événements.

Car la “solution” trouvée dans l’alcool se transforme au fur et à mesure du temps en « problème » et envahit toute la vie de la personne. Entre ces deux temps (qui dure parfois plusieurs années) l’addiction au produit contraint à augmenter les doses pour obtenir le même effet, c’est ce que l’on nomme la tolérance. Elle peut évoluer vers la dépendance avec dans ce cas le cortège de complications médicales, qui ne sont pas toujours suffisantes pour constituer un levier solide vers le soin.

La présence d’un ami, dépourvu de jugement, qui témoigne de son affection et de son désir de soutenir la démarche de soin peut l’aider à entamer ce parcours. Aidez-le d’abord à constituer un réseau de personnes qui le soutiennent (y compris professionnelles, médecins ou psychologues). Les lieux d’écoute et de dialogue, comme la Fraternité Saint-Jean Baptiste ou Les Pèlerins de l’Eau-vive, présents sur cette page, sauront soutenir la démarche de soin.

Témoignez de la confiance que vous avez en lui ainsi que dans ses ressources intérieures. Proposez-lui un accompagnement – y compris physiquement – sur les lieux de consultation, pour le soutenir dans ce qui est, à ce moment de sa vie, sa plus grande intimité. Montrez-lui enfin qu’il trouvera sa liberté s’il se laisse accompagner et accepte de tendre la main (c’est ce qui constitue la première étape des alcooliques anonymes « Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool »).

L’acceptation de cette impuissance ouvre la voie aux différentes aides. Elle fera entrer votre ami dans une démarche d’abandon et de confiance. Il n’est pas seul sur ce chemin, et vous non plus. « C’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac, 17, 28) : dans cette démarche courageuse, plus que jamais, Dieu vous redit qu’il nous appelle au bonheur.