Mon meilleur ami s’est suicidé, je n’ai rien vu venir, je me sens responsable…

La réponse de Caroline Dry

Quelle expérience terrible cela a dû et doit être… Quel drame ! Drame du décès de votre ami… drame du suicide, expression peut-être d’une souffrance tellement insupportable que seule la mort lui a semblé une issue… Drame aussi de cette culpabilité que vous exprimez de n’avoir pas vu, pas pu anticiper ce geste fatal et de la responsabilité que vous ressentez. Je crois qu’il est tellement humain, lorsqu’on aime, de vouloir, d’espérer, de tout faire pour que notre amour soutienne, supporte, soulage, guérisse, sauve l’être aimé !

Cet élan, il est beau, il est généreux et il porte certainement quelque chose de la force de l’amitié que vous partagiez ensemble, du dynamisme de l’amour que vous vous donniez, et que vous receviez de cette relation, dans cette relation. Les sentiments que vous éprouvez laissent deviner que vous avez fait l’expérience de la profondeur, de la valeur de l’amitié. Ca me rappelle un verset biblique : « Un ami fidèle est un puissant soutien ; qui l’a trouvé a trouvé un trésor » Ec 6,14.

Il est tellement compréhensible que devant la profondeur de ce lien, vous vous sentiez responsable de n’avoir pas vu, peut-être pas senti, pas compris la réalité de ce qui se passait pour votre ami. Et pourtant - et peut-être est-ce une des complexités de l’amour, qu’il soit d’amitié, filial, fraternel, conjugal - au fond, tout l’amour que je porte à l’autre, ne me donnera jamais le pouvoir de vivre pour lui, pour elle. Sinon cela voudrait dire que je vis à sa place, que je le (la) dépossède de ce qui est le plus précieux : sa vie, sa liberté. Ce qui fait à chacun notre grandeur. Tout cet élan ne me permettra jamais de me substituer à la liberté de l’être aimé. Je suis le seul qui puisse assumer et vivre ma vie, et mon ami est le seul qui puisse vivre et assumer sa vie. Je crois pour ma part, que l’amour invite à être toujours plus attentif à l’autre, à l’aider, à le soutenir, et sans doute, chacun, chacune, nous sommes invités à aimer mieux, plus authentiquement, et les évènements, parfois les drames, le vôtre nous le rappellent.

Mais l’amour nous invite aussi à accepter la réalité du mystère du chemin de chacun, son chemin de vérité qui est toujours le secret de l’autre, qui appartient à lui seul et nous restera toujours inaccessible. Je n’oublie pas les questions que peuvent poser le suicide, celles de la pleine liberté, de la volonté, de la maladie, de l’impulsion, de la prévention. Mais il me semble que ce n’est pas du même ordre, qu’il ne s’agit pas de la même responsabilité.

Aujourd’hui votre ami n’est plus là. Comme je vous souhaite, et peut-être l’avez-vous fait, d’accueillir en vous toute l’amitié éprouvée pour votre ami, tout ce que vous avez reçu et donné d’amour dans cette relation, tout ce que vous avez vécu et partagé et qui fait de votre histoire une histoire unique. Comme je vous souhaite d’accueillir par la pensée et le cœur tout ce qui de votre ami peut demeurer en vous la trace vivante de sa présence.

Jésus-Christ a vaincu la mort, pour que nous ayons la vie en plénitude. Et c’est ce que la foi en lui invite à croire : que l’amour est plus fort que la mort. Vous trouverez ici certaines prières (il y en a beaucoup d’autres) qui peuvent peut être vous aider à trouver le courage et la force.